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GERVAIS-COURTELLEMONT Jules (01/07/1863 -1931) Actif : 1910-1923

Né à Avon (Seine-et-Marne), Jules Gervais-Courtellemont est à la fois photographe, journaliste, éditeur et principalement grand voyageur et explorateur, le tout prolongé par des activités de conférencier au talent reconnu. Beau-fils de l’éditeur Charles Lallemand, il est l’ami de Pierre Loti, autre amoureux des voyages, ainsi que du peintre Emile Fréchon. Dès sa jeunesse, il est attiré par la photographie qu’il pratique à partir des années 1880. En même temps qu’il est désireux de fixer par l’image la vie au cœur des plaines algériennes dans lesquelles ils passe une partie de son adolescence, il souhaite aussi comprendre et représenter les différentes cultures qu’il côtoie. De là son attirance pour l’islam, auquel il se serait converti, et à la civilisation musulmane, ce qui le mène fréquemment autour du bassin méditerranéen : de l’Andalousie, marquée par la présence arabe, à Alger puis au Maroc et jusqu’à Constantinople. La Turquie, la Palestine et, plus tard, l’Inde ou la Chine le verront passer avec son matériel photographique.

Dès 1896, il rapporte de La Mecque des photos inédites que L’Illustration publiera l’année suivante. D’abord en noir et blanc, ses vues passent à la couleur avec la découverte des autochromes et leur commercialisation, à partir de 1907. Sa collaboration « en couleur » à L’Illustration débute le 26 novembre 1910, avec la publication de 7 photos de ses "Visions d’Orient entre Damas et Stanboul" (sic). Elle se poursuit dans le numéro de Noël 1911, avec des vues, moins exotiques du Grand et du Petit Trianon. En février 1912, c’est à "L'apothéose de l'aviation française au Grand Palais" (décembre 1911 – janvier 1912), qu’il s’intéresse. L’Illustration publie cinq photos de lui.
L'apothéose de l'aviation française au Grand Palais
L'apothéose de l'aviation française au Grand Palais

Le tombeau d’Aziyadé, copie de la stèle véritable, fleuri de roses
Le tombeau d’Aziyadé, copie de la stèle véritable, fleuri de roses
Ses deux contributions suivantes pour l’hebdomadaire le ramènent sur ses terres de prédilection, avec "Le Maroc qu’il faut voir". La première partie, dans le n°3.689 du 13 novembre 1913 est illustrée de 10 photos, et porte sur "l' Architecture orientale, les ruines romaines et la civilisation française". La seconde, publiée deux semaine plus tard, s’attache à "La capitale du vieux Maghreb", en l’occurrence Fez.

A partir de ce moment et pour plusieurs années, on ne voit plus paraître ses photos en couleur dans L’Illustration, mais il collabore à d’autres revues, telles que le déjà réputé National Geographic, le Journal des débats ou le Journal des Voyages. En outre, depuis 1911, il a ouvert un véritable Palais de l’autochrome, au 167 du boulevard Montmartre. Les locaux abritent un atelier de pose, un laboratoire, un salon d’exposition et une salle de 250 places dans laquelle il fait voyager par l’image les spectateurs, fascinés par ses projections de plaques de verre, autant que par ses commentaires.

Pendant la Grande guerre, il est en France et il met son talent au service de la photographie des champs de bataille, toujours avec le même souci d’éclairage et de cadrage. Il sait aussi régulièrement glisser dans l’image des éléments tels que croix isolée ou arbres carbonisé pour « ménager des effets dramatiques ». Le conférencier de l’Orient et du Maghreb se fait volontiers celui des batailles de la Marne ou de Verdun, drainant toujours un large public.

La paix revenue, la rue Saint-Georges fait de nouveau appel à lui. Le 18 Janvier 1919 (n°3.959), deux de ses photos rehaussent un article de Georges Rémond sur la réouverture des portes du Louvre. Pour retrouver l’exotisme, il faudra attendre le 31 Décembre 1921 (N°4.113), avec la publication d’un texte de Emile Védel sur l’ami de Gervais Courtellemont, l’écrivain Pierre Loti. Une occasion pour lui d’immortaliser en couleur "La mosquée, au second étage de la maison de Pierre Loti, à Rochefort", "Le tombeau d’Aziyadé, copie de la stèle véritable, fleuri de roses", ainsi que de montrer "Pierre Loti, au milieu de ses souvenirs". L’ultime contribution de l’autochromiste et grand voyageur paraît dans le n° 4.177, le 24 mars 1923. Par le texte et les 11 photos qui l’accompagnent, il entraîne le lecteur "A travers l’Espagne pittoresque : La semaine de Pâques dans la Sierra de Francia", au cœur de cette Andalousie qu’il connaît si bien.

La mosquée, au second étage de la maison de Pierre Loti, à Rochefort
La mosquée, au second étage de la maison de Pierre Loti, à Rochefort
Au total, Jules Gervais-Courtellemont légue à la postérité des milliers d’autochromes. Un an après sa mort survenue en octobre 1931, près de Paris, la cinémathèque de la ville de Paris acquiert une collection de 5.000 plaques autochromes. Il faut toutefois attendre 1992 pour qu' à la suite de travaux de rangement, on finisse par exhumer et restaurer ce trésor. C’est la cinémathèque Robert-Lynen qui en assume désormais la conservation. Une autre partie de ses photos a été rachetée au début des années 1930 par le banquier Albert Kahn, la conservation étant assurée par la Fondation éponyme.

A consulter : Parmi les études ont été consacrées à Jules Gervais-Courtellemont, on peut citer :
Emmanuelle Devos, Béatrice de Pastre. Couleurs du voyage : l’œuvre photographique de Jules Gervais-Courtellemont. Paris Musées/ Philéas Fogg, 2003, 128 p. ill. coul.

Alain Fourquier. Jules Gervais-Courtellemont (1863-1931) : l’œuvre d’un photographe. Paris : S. Fourquier, coll. Au bibliophile parisien, 2010, 80 p. ill. coul.
Ottomanes, Autochromes de Jules Gervais-Courtellemont . Bleu-Autour, Saint-Pourçain-sur-Sioule, 2005.

GIMPEL Léon (1873-1948)

Premier cliché d'actualité en couleur : Frédéric VIII et la reine Louise de Danemark à Paris, 1907
Premier cliché d'actualité en couleur : Frédéric VIII et la reine Louise de Danemark à Paris, 1907
Dans la galerie des photographes de L’Illustration, Léon Gimpel tient une place à part. Son nom est associé aux célèbres autochromes Léon Gimpel, authentiques chefs d’œuvre de la photographie en couleur. Gimpel, pionnier de la photographie est un «touche à tout» infatigable, véritable expérimentateur des procédés nouveaux. Pourtant, l’histoire de la photographie l’a quelque peu oublié et il aura fallu qu’une exposition lui soit dédiée en avril 2008 pour permettre de réparer l’injustice. Elle propose aux yeux du public 185 plaques de verre sélectionnées parmi celles qu’il avait léguées à la Société française de photographie.

Né en 1873, au sein d’une famille juive alsacienne, il s’est peu épanché sur lui-même. Ses Mémoires, réunis dans plusieurs carnets, évoquent davantage ses exploits photographiques et techniques, que son propre parcours personnel. On ne sait presque rien de sa vie intime et lorsqu’il se laisse entrevoir dans ses photographies, il ne se livre pas complètement : on aperçoit ainsi sa silhouette totalement déformée dans une vue du Palais des Glaces.

Gimpel entre à L’Illustration en 1909 et il y reste jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale. On est au début de l’ère René Baschet, et il ne fait guère de doute que ce dernier, soucieux de rénover l’image de l’hebdomadaire et d’accroître son audience, soit séduit par le personnage. Il rejoint ainsi la petite équipe des photographes maison, parmi lesquels figure Ernest Clair-Guyot. Très tôt, il se démarque de ses pairs, à la fois par les innovations dans la prise de vue et dans les procédés photographiques. C’est ainsi qu’en 1909, il a l’idée de photographier les pionniers de l’aviation à partir d’un dirigeable. Des images qui sembleraient banales aujourd’hui mais sont radicalement novatrices pour l’époque et qui font sensation. A tel point que, à la suite de leur publication dans L’Illustration, l’une d’entre elle est reprise par le quotidien Le Matin, lui assurant une très large audience. La vue en plongée devient une marque de fabrique de Gimpel, tout comme le choix d’un angle de vue décalé : images de foules, défilés sous la Tour Eiffel, accident de bus tombé dans la Seine, il parvient toujours à sortir le thème de sa banalité par un angle de prise de vue novateur.

Illuminations de Paris lors l'Exposition universelle en 1937
Illuminations de Paris lors l'Exposition universelle en 1937
En même temps, face aux limites du noir et blanc, Gimpel comprend tout le parti qu’il peut tirer de la couleur, ce qu’il n’hésite pas à appeler « huitième merveille du monde ». En 1907, il a convaincu René Baschet d’organiser une grande présentation des procédés autochromes des Frères Lumière. A partir de l’invention des Lyonnais, il va apporter de nombreuses améliorations. Il veut obtenir des prises de vue instantanées, voire photographier la nuit. C’est ce qui le conduit à mettre au point des plaques ultrasensibles. Dans les années 1920 et 1930, il pourra ainsi photographier le "Paris lumineux" avec ses néons, dont l’exposition d’avril 2008 présentait quelques aspects.

Loin du photoreportage, Léon Gimpel met aussi la photo couleur au service des scientifiques. Il réalise des vues colorées au microscope ou encore des prises de vue surprenantes de champignons. Il peut aussi se révéler « metteur en scène ». Pendant la grande guerre, en s’inspirant des personnages du dessinateur Poulbot, il photographie des enfants de Montmartre jouant à la guerre, et mimant combats et attaques aériennes, avec des accessoires en carton.

Pourquoi finalement un tel novateur est-il tombé dans un oubli relatif. La réponse est d’abord technique : exposer des plaques de verre d’un accès difficile n’est pas chose aisée et l’exposition du musée d’Orsay était sans doute la première du genre. Elle est ensuite d’ordre artistique : Gimpel était davantage attiré par l’exploit technique que par l’esthétique. Ce qui ne justifie pas pour autant l’oubli relatif dans lequel il est tombé. Dans le journal Le Monde, Claire Guillot écrivait : « Au début du XXe siècle, les photos de Léon Gimpel, collaborateur au magazine L’Illustration, ressuscitent une capitale vivante, rendue plus proche encore par ses couleurs éclatantes : les néons de l’Olympia scintillent, les pubs des liqueurs couvrent les murs, les commerces débordent d’animation ». Léon Gimpel est décédé en 1948, une dizaine d’année après avoir cessé sa collaboration avec L’Illustration.

A consulter : Pour retrouver l’esprit de Léon Gimpel, on pourra se reporter à deux catalogues d’expositions :
Léon Gimpel (1873-1948), les audaces d’un photographe(1 vol. br. 224 p, ill. couleurs, éditions du Seuil, 40 euros)
Paris en couleurs, des frères Lumière à Martin Parr (1 vol. br. 216 p, ill. couleurs, éditions du Seuil, 39 euros)

Jean Paul Perrin

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