L'épopée de L'Aviation par le général Alain Brossier
Jean Sébastien Baschet

Couverture du numéro spécial de L'Illustration sur l'aviation, 1932
Mes parents possédaient une collection de l'Illustration, je m'y plongeais avec délice, les récits d'Aviation me fascinaient. J'aurais bien aimé commettre le sacrilège de découper pour les réunir à part, tous les articles aéronautiques. Je viens de découvrir cette sélection de pages de l'Illustration et j'y retrouve toutes les images qui sont restées gravées dans ma mémoire. Je me réjouis d'autant plus de la présente publication. Ce « pot pourris » d'articles constitue indéniablement un document de grande valeur pour la connaissance de l'histoire de l'épopée de l'Aviation.

Le vol de 220 mètres du 14-bis de Santos-Dumont, Bagatelle, 1906
En 1869, lorsque Victor Hugo s'adressait, par la lettre qui est reproduite ici, à un aéronaute pour lui déclarer sa foi en la navigation aérienne, il se gardait d'indiquer les moyens à employer ; dans le sillage de Nadar il sentait bien que l'avenir ne serait pas aux énormes engins flottants dans l'air. Victor Hugo devait connaître certains projets de « plus lourds que l'air » comme celui de Henson qui apparaît, en 1843, dans les premières pages de cette première revue illustrée, mais il n'aurait sans doute pas pris le pari que 21 ans plus tard une imitation d'animal volant aurait enlevé un homme à la force de son moteur interne actionnant son hélice. Ader apparaît discrètement dans les pages de l'Illustration.

Un avion au-dessus de l'océan Atlantique, 1934
En 1907, nombreux sont les hommes volants qui veulent VOLER et gagner ce fameux prix qui sera accordé au premier qui reviendra à son point de départ après avoir parcouru un kilomètre. Certains ont acheté leur avion puisque maintenant les ateliers VOISIN vous le fabriquent et y apportent les modifications que vous souhaitez. A moins que vous ne vouliez construire votre moteur vous-même (comme Robert Esnault-Pelterie) vous pouvez en acheter un excellent comme ce splendide huit-cylindres Levasseur « Antoinette »
C'est finalement Henry Farman qui emporte le prix, imaginé par Archdeacon et soutenu par Deutsch, à Issy-les-Moulineaux le 13 janvier 1908. Son avion ? Un Voisin, modifié Farman avec quelques conseils de Fabre. Son moteur ? Un Antoinette avec un petit réservoir d'eau, pour le refroidissement par évaporation. On peut dire que l'Aviation pratique est née ce jour-là. La maîtrise du vol devenait un bien commun à partager. Le berceau de l'Aviation était la France et l'aviation française allait occuper la place de tête pendant vingt ans. L'exploit de Farman donne le départ à un développement explosif de l'Aviation. L'entreprise est soutenue par un immense élan populaire. On se rue dans les meetings : un million de personnes à la grande semaine de Reims en 1909, deux fois le nombre de visiteurs d'un Salon de l'Aéronautique de nos jours ! L'émulation est formidable : les rencontres et les courses se multiplient. Quel magnifique terrain de rencontre pour les pionniers qui créent l'Industrie Aéronautique !

L'Armée s'intéresse sérieusement à l'Aviation à partir de 1910. Pour se faire une opinion, l'Etat Major commande des appareils à tous les constructeurs : à voir la diversité des systèmes de commandes de vol (Antoinette, Wright, Blériot...) on comprend qu'il était nécessaire d'imposer rapidement une norme. On avait intégré l'aviation aux manoeuvres, on s'était préparé à la GUERRE, on l'attendait, mais lorsqu'elle éclate les généraux font quand même de très intéressantes découvertes sur la nouvelle arme qu'est l'Aviation. Le chapitre consacré à l'Aviation dans la Grande Guerre paraît assez mince eu égard à l'effort réclamé de l'industrie et de la population. Sans doute ne peut-on retenir que quelques faits exceptionnels dans la masse des exploits anonymes ; sans doute la nécessaire discrétion ne permet-elle pas à une revue d'actualité de révéler en profondeur l'évolution des tactiques, des performances et de la production. Que de choses à découvrir pourtant ! De l'expérience des opérations apparaît la nécessité de la chasse et du combat en groupe. Le bombardement est créé sur le tas : au départ on laisse tomber de simples obus d'artillerie qu'on a empennés, puis on confectionne un armement spécialisé avec ses accessoires : lance-bombes et viseurs. Les éoles accroissent leur production à un rythme impressionnant. L'Industrie Aéronautique aura fabriqué pendant la guerre 50 000 avions, 90 000 -moteurs. Notre production est la meilleure. Elle mobilise, à la fin de la guerre, 190 000 personnes qui font sortir d'usine un avion tous les quarts d'heure et un moteur toutes les dix minutes. Ces avions, et, surtout, ces moteurs sont largement utilisés par nos alliés.
La guerre à peine terminée on se tourne vers l'exploitation COMMERCIALE du formidable outil aérien. On utilisera longtemps des avions militaires, il y en a tant de disponibles ! On les réaménage pour donner le maximum de confort aux passagers. Dès le début, on met l'accent sur le confort, parfois luxueux, et sur la qualité du service hôtelier qui soutiennent la publicité de la compagnie. L'avion commercial doit aller le plus loin possible sans ennui. Les raids permettent d'éprouver et de prouver ces qualités fondamentales d'allonge et d'endurance. Le raid par excellence est la traversée de l'Atlantique Nord. La réussite de Charles Lindbergh est le plus fameux exploit de l'entre-deux guerres. Cette performance annonce la suprématie prochaine de l'Aéronautique américaine.

Biplan SPAD français encadré par des tirs de shrapnels a touché l'avion allemand qui s'abat en flammes, 1918
En 1920, au Bourget, le point d'embarquement des passagers n'est indiqué que par un portique sommaire. En 1938 on met en service, au même endroit, une aérogare de plus de 200 m de long. Celui qui nous le décrit prophétise qu'il faudra construire des pistes en béton et que l'aérodrome deviendra trop petit. Les modernes Douglas DC 3 annoncent les avions transocéaniques qui révolutionneront le transport aérien. Avec sa vulgarisation, les pilotes se noyeront dans l'anonymat laissant la vedette, un peu plus tard, aux cosmonautes.

La cabine de pilotage de l'avion Altaïr, un trimoteurs Dewoitine-338, mis en service par Air France dès 1936
Le Bourget, le 7 septembre 1987
Le Général Alain BROSSIER
DIRECTEUR DU MUSÉE DE L'AIR ET DE L'ESPACE

A Bétheny, Henri Farman sur le parcours de son record de distance, 1909