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L'épopée de L'Aviation par le général Alain Brossier


Couverture du numéro spécial de L'Illustration sur l'aviation, 1932
Couverture du numéro spécial de L'Illustration sur l'aviation, 1932




Mes parents possédaient une collection de l'Illustration, je m'y plongeais avec délice, les récits d'Aviation me fascinaient. J'aurais bien aimé commettre le sacrilège de découper pour les réunir à part, tous les articles aéronautiques. Je viens de découvrir cette sélection de pages de l'Illustration et j'y retrouve toutes les images qui sont restées gravées dans ma mémoire. Je me réjouis d'autant plus de la présente publication. Ce « pot pourris » d'articles constitue indéniablement un document de grande valeur pour la connaissance de l'histoire de l'épopée de l'Aviation.

Le vol de 220 mètres du 14-bis de Santos-Dumont, Bagatelle, 1906
Le vol de 220 mètres du 14-bis de Santos-Dumont, Bagatelle, 1906
L'Aéronautique a vu le jour grâce aux travaux des frères Montgolfier qui, par leur invention, ont permis à Jean-François Pilâtre de Rozier et au marquis François d'Arlandes de s'élever, dans les airs le 21 novembre 1783. A peine dix jours plus tard le premier vol humain en ballon à gaz, avec Charles et Robert, faisait suite au premier vol en montgolfière. Depuis 204 ans, les hommes de l'air se sont livrés à des exploits étonnants. Pendant cent ans ce fut avec le ballon à gaz puis apparut le dirigeable et plus tard l'aéroplane. Seul le « plus lourd que l'air » devait se révéler utile, pratique, efficace et rentable. Dans le présent ouvrage les aérostats ont été publiés, volontairement.

En 1869, lorsque Victor Hugo s'adressait, par la lettre qui est reproduite ici, à un aéronaute pour lui déclarer sa foi en la navigation aérienne, il se gardait d'indiquer les moyens à employer ; dans le sillage de Nadar il sentait bien que l'avenir ne serait pas aux énormes engins flottants dans l'air. Victor Hugo devait connaître certains projets de « plus lourds que l'air » comme celui de Henson qui apparaît, en 1843, dans les premières pages de cette première revue illustrée, mais il n'aurait sans doute pas pris le pari que 21 ans plus tard une imitation d'animal volant aurait enlevé un homme à la force de son moteur interne actionnant son hélice. Ader apparaît discrètement dans les pages de l'Illustration.


Un avion au-dessus de l'océan Atlantique, 1934
Un avion au-dessus de l'océan Atlantique, 1934
Cette discrétion voulue laisse planer un doute sur la réalité de son vol. Nos connaissances actuelles de l'aérodynamique et de la mécanique du vol assurent notre conviction qu'Ader s'est bien arraché du sol, mais jugeant ce décollage trop « tangent », Clément Ader a tout de suite abandonné son Eole pour passer à l' « Avion » . L'Avion 3 a volé sept ans plus tard en 1897. Encore une fois quelques rares témoins n'ont assisté qu'à une envolée unique. Le manque de crédit n'a pas permis à Ader de traiter le problème du pilotage après avoir résolu celui de la propulsion. Lilienthal maîtrisait bien, à sa façon, le contrôle en vol de ses planeurs mais à son deux millième glissage en 1896, il se tue alors qu'il songe au montage d'un moteur sur ses machines. Pendant les dix années qui suivent, l'Aviation connaît une série d'entreprises originales de personnages de génie qui devaient tout faire par eux-mêmes : concevoir, fabriquer et piloter. Certains travaillent avec publicité comme Santos Dumont, d'autres recherchent le secret le plus absolu comme les frères Wright.

En 1907, nombreux sont les hommes volants qui veulent VOLER et gagner ce fameux prix qui sera accordé au premier qui reviendra à son point de départ après avoir parcouru un kilomètre. Certains ont acheté leur avion puisque maintenant les ateliers VOISIN vous le fabriquent et y apportent les modifications que vous souhaitez. A moins que vous ne vouliez construire votre moteur vous-même (comme Robert Esnault-Pelterie) vous pouvez en acheter un excellent comme ce splendide huit-cylindres Levasseur « Antoinette »

C'est finalement Henry Farman qui emporte le prix, imaginé par Archdeacon et soutenu par Deutsch, à Issy-les-Moulineaux le 13 janvier 1908. Son avion ? Un Voisin, modifié Farman avec quelques conseils de Fabre. Son moteur ? Un Antoinette avec un petit réservoir d'eau, pour le refroidissement par évaporation. On peut dire que l'Aviation pratique est née ce jour-là. La maîtrise du vol devenait un bien commun à partager. Le berceau de l'Aviation était la France et l'aviation française allait occuper la place de tête pendant vingt ans. L'exploit de Farman donne le départ à un développement explosif de l'Aviation. L'entreprise est soutenue par un immense élan populaire. On se rue dans les meetings : un million de personnes à la grande semaine de Reims en 1909, deux fois le nombre de visiteurs d'un Salon de l'Aéronautique de nos jours ! L'émulation est formidable : les rencontres et les courses se multiplient. Quel magnifique terrain de rencontre pour les pionniers qui créent l'Industrie Aéronautique !

L'épopée de L'Aviation par le général Alain Brossier
En 1913 Blériot vend toujours son type XI avec lequel il a traversé la Manche. Le moteur est plus puissant, c'est l'avion qu'utilise Adolphe Pégoud pour régaler le public des premières voltiges aériennes. Roland Garros fait confiance à Morane et au moteur Gnôme pour traverser la Méditerranée. C'est un moteur Gnôme aussi, mais en double étoile, qui permet à Prévost de dépasser le 200 kilomètres à l'heure avec un Déperdussin, conçu par Berchereau qui sera le père des SPAD. Ces remarquables exploits prennent place à la fin du glorieux mois de septembre 19-13. Que de chemin parcouru en six ans ! Malheureusement quelques valeureux pionniers ont été victimes de leur passion : parmi les tout premiers Ferdinand Ferber qui a été l'initiateur et le rassembleur en France à partir de 1906 et à qui l'on doit cette formule qui résume à elle seule l'épopée racontée ici. « Pas à pas, de saut à saut, de vol à vol, de crête à crête, de ville à ville, de continent à continent » .

L'Armée s'intéresse sérieusement à l'Aviation à partir de 1910. Pour se faire une opinion, l'Etat Major commande des appareils à tous les constructeurs : à voir la diversité des systèmes de commandes de vol (Antoinette, Wright, Blériot...) on comprend qu'il était nécessaire d'imposer rapidement une norme. On avait intégré l'aviation aux manoeuvres, on s'était préparé à la GUERRE, on l'attendait, mais lorsqu'elle éclate les généraux font quand même de très intéressantes découvertes sur la nouvelle arme qu'est l'Aviation. Le chapitre consacré à l'Aviation dans la Grande Guerre paraît assez mince eu égard à l'effort réclamé de l'industrie et de la population. Sans doute ne peut-on retenir que quelques faits exceptionnels dans la masse des exploits anonymes ; sans doute la nécessaire discrétion ne permet-elle pas à une revue d'actualité de révéler en profondeur l'évolution des tactiques, des performances et de la production. Que de choses à découvrir pourtant ! De l'expérience des opérations apparaît la nécessité de la chasse et du combat en groupe. Le bombardement est créé sur le tas : au départ on laisse tomber de simples obus d'artillerie qu'on a empennés, puis on confectionne un armement spécialisé avec ses accessoires : lance-bombes et viseurs. Les éoles accroissent leur production à un rythme impressionnant. L'Industrie Aéronautique aura fabriqué pendant la guerre 50 000 avions, 90 000 -moteurs. Notre production est la meilleure. Elle mobilise, à la fin de la guerre, 190 000 personnes qui font sortir d'usine un avion tous les quarts d'heure et un moteur toutes les dix minutes. Ces avions, et, surtout, ces moteurs sont largement utilisés par nos alliés.

La guerre à peine terminée on se tourne vers l'exploitation COMMERCIALE du formidable outil aérien. On utilisera longtemps des avions militaires, il y en a tant de disponibles ! On les réaménage pour donner le maximum de confort aux passagers. Dès le début, on met l'accent sur le confort, parfois luxueux, et sur la qualité du service hôtelier qui soutiennent la publicité de la compagnie. L'avion commercial doit aller le plus loin possible sans ennui. Les raids permettent d'éprouver et de prouver ces qualités fondamentales d'allonge et d'endurance. Le raid par excellence est la traversée de l'Atlantique Nord. La réussite de Charles Lindbergh est le plus fameux exploit de l'entre-deux guerres. Cette performance annonce la suprématie prochaine de l'Aéronautique américaine.

Biplan SPAD français encadré par des tirs de shrapnels a touché l'avion allemand qui s'abat en flammes, 1918
Biplan SPAD français encadré par des tirs de shrapnels a touché l'avion allemand qui s'abat en flammes, 1918
Pour le grand public le nom le plus prestigieux de l'Aviation de ces temps de paix est celui de Mermoz. Avec celui de Guillaumet il évoque l'épopée de l'Aéropostale. Mais en quoi consiste cette fameuse ligne de Toulouse à Santiago ? Pour nous en livrer une vivante description, Géo Ham, peintre-reporter de talent, grand amateur de sports mécaniques s'est mis à la place d'un simple sac de courrier. Ses dessins et son récit forment un témoignage d'une exceptionnelle vigueur.

En 1920, au Bourget, le point d'embarquement des passagers n'est indiqué que par un portique sommaire. En 1938 on met en service, au même endroit, une aérogare de plus de 200 m de long. Celui qui nous le décrit prophétise qu'il faudra construire des pistes en béton et que l'aérodrome deviendra trop petit. Les modernes Douglas DC 3 annoncent les avions transocéaniques qui révolutionneront le transport aérien. Avec sa vulgarisation, les pilotes se noyeront dans l'anonymat laissant la vedette, un peu plus tard, aux cosmonautes.

La cabine de pilotage de l'avion Altaïr, un trimoteurs Dewoitine-338, mis en service par Air France dès 1936
La cabine de pilotage de l'avion Altaïr, un trimoteurs Dewoitine-338, mis en service par Air France dès 1936
Aujourd'hui, un demi-siècle après ces dernières images les grands avions intercontinentaux ont trouvé d'autres havres et le bâtiment de l'aérogare du Bourget est dévolu à une nouvelle mission, celle de préserver et de présenter au public la collection nationale d'avions anciens. Le lecteur de cet ouvrage pourra trouver au Bourget, au Musée de l'Air (et de l'Espace) de nombreux objets décrits ou évoqués dans cet ouvrage. Entre autres exemples, il pourra voir de quoi parlait Delagrange lorsqu'il comparaît l'hélice du Voisin-Farman à celle du Wright. L'une est en dessous des deux autres à l'endroit même où les passagers de 1938 se présentaient à la douane. Le directeur du plus beau musée d'Aviation du monde est heureux de présenter cet ouvrage qu'il recommande chaudement à tous ceux qu'intéresse l'histoire de l'Aéronautique.

Le Bourget, le 7 septembre 1987

Le Général Alain BROSSIER
DIRECTEUR DU MUSÉE DE L'AIR ET DE L'ESPACE

A Bétheny, Henri Farman sur le parcours de son record de distance, 1909
A Bétheny, Henri Farman sur le parcours de son record de distance, 1909