" Cent ans de mode par un journal qui n'était pas un journal de mode prouvent que la mode est une chose importante.
Je ne parle pas de son importance économique évidente, mais de la mode « Mode » — souvent sous-estimée par peur de paraître futile — et de son pouvoir d'image et de réflecteur.
Elle donne la couleur à son temps et reflète une époque à plus courte échéance que l'art (avec un grand A), l'architecture et toutes les autres manifestations optiques ou spirituelles capables de renvoyer l'image d'un moment de l'histoire de l'humanité.
Personne n'échappe à la mode ! C'est seulement une question d'échéance. Si elle se manifeste plus vite, elle meurt aussi plus vite. Elle est fragile et vulnérable.
C'est par les journaux anciens que les modes du passé nous sont parvenues — en tout cas depuis 150 ans et L'Illustration aurait presque cet âge-là... Après avoir été un mode d'expression, la mode est devenue un miroir d'événements.
Quand on regarde les anciennes « nouvelles modes », il faut toujours penser au choc ressenti par ceux qui les voyaient pour la première fois (tout particulièrement à des époques où l'information ne se faisait pas avec la rapidité d'aujourd'hui) et qui ne connaissaient pas, comme nous, la suite.
La dame en crinoline n'imaginait pas en 1860, la tournure et « le cul de Paris » qui la menaçaient de près et qui, moins de vingt ans plus tard, devenaient sa mode. Vingt ans en matière de mode sont à la fois l'éternité et peu de chose. Mai 1968, c'était hier et c'était il y a cent ans, pour prendre un exemple proche de nous. Comme la mode, les modes ont changé.
Je ne parle pas de son importance économique évidente, mais de la mode « Mode » — souvent sous-estimée par peur de paraître futile — et de son pouvoir d'image et de réflecteur.
Elle donne la couleur à son temps et reflète une époque à plus courte échéance que l'art (avec un grand A), l'architecture et toutes les autres manifestations optiques ou spirituelles capables de renvoyer l'image d'un moment de l'histoire de l'humanité.
Personne n'échappe à la mode ! C'est seulement une question d'échéance. Si elle se manifeste plus vite, elle meurt aussi plus vite. Elle est fragile et vulnérable.
C'est par les journaux anciens que les modes du passé nous sont parvenues — en tout cas depuis 150 ans et L'Illustration aurait presque cet âge-là... Après avoir été un mode d'expression, la mode est devenue un miroir d'événements.
Quand on regarde les anciennes « nouvelles modes », il faut toujours penser au choc ressenti par ceux qui les voyaient pour la première fois (tout particulièrement à des époques où l'information ne se faisait pas avec la rapidité d'aujourd'hui) et qui ne connaissaient pas, comme nous, la suite.
La dame en crinoline n'imaginait pas en 1860, la tournure et « le cul de Paris » qui la menaçaient de près et qui, moins de vingt ans plus tard, devenaient sa mode. Vingt ans en matière de mode sont à la fois l'éternité et peu de chose. Mai 1968, c'était hier et c'était il y a cent ans, pour prendre un exemple proche de nous. Comme la mode, les modes ont changé.
La suppression du corset au début du siècle a dû être un choc plus important que l'apparition de la mini-jupe à l'aube des années 60. Si la gaine (qui n'a aucun rapport avec le corset) existe toujours pour celles qui en ont besoin, les jupes très très courtes, sont devenues une chose banale de la vie courante.
George Sand osait mettre des pantalons déjà vers 1840 (on ne savait pas qu'ailleurs les femmes en portaient depuis des millénaires). Elle disait qu'il était impossible d'être « femme » à Paris à moins de 20 000 livres de rentes. L'écrivain payait son audace par une excommunication sociale que seule sa gloire nationale lui a permis de racheter par la suite.
La réapparition de ce type de vêtement vers 1910 se signalait encore par le scandale. En septembre 1939, L'Illustration avait encore besoin pour son dernier article, qui donne cette rétrospective, de l'alibi de la guerre et du fonctionnel pour en parler sous le titre faussement enjoué de « Pantalonnades ».
George Sand osait mettre des pantalons déjà vers 1840 (on ne savait pas qu'ailleurs les femmes en portaient depuis des millénaires). Elle disait qu'il était impossible d'être « femme » à Paris à moins de 20 000 livres de rentes. L'écrivain payait son audace par une excommunication sociale que seule sa gloire nationale lui a permis de racheter par la suite.
La réapparition de ce type de vêtement vers 1910 se signalait encore par le scandale. En septembre 1939, L'Illustration avait encore besoin pour son dernier article, qui donne cette rétrospective, de l'alibi de la guerre et du fonctionnel pour en parler sous le titre faussement enjoué de « Pantalonnades ».
Porter des jugements sur la mode d'une époque ne sert à rien. Les époques ont les modes qu'elles méritent. Vouloir mettre le discours sur un autre plan est absurde. C'est par son côté terre à terre que la mode justifie son existence de témoin. On n'a même pas besoin de savoir lire pour pouvoir déchiffrer un message de mode. Le dessin et la photographie de mode ont évolué avec elle depuis toujours sans que la lecture en soit devenue plus difficile.
Aujourd'hui, les innombrables journaux proposent un peu trop de modes qui ne deviendront pas forcément la mode avec un grand M. L'Illustration signalait des phénomènes qui étaient devenus plus ou moins des réalités. La lecture de nos journaux de mode dans cent ans ne sera qu'un inventaire extrêmement varié de propositions de Mode qui, à plus de 90 %, n'auront jamais existé dans la vie courante et réelle, mais qui, de façon différente, refléteront aussi notre temps.
Certaines modes resteront toujours attachées au nom de leur créateur, qui n'en est pas forcément l'inventeur, mais qui a mieux su cristalliser et interpréter en termes de vêtements l'esprit particulier d'un certain moment.
La mode ne se limite pas aux vêtements. L'environnement la subit aussi mais en général sans le label péjoratif et presque diffamant que la notion « mode » peut donner aux choses.
Aujourd'hui, les innombrables journaux proposent un peu trop de modes qui ne deviendront pas forcément la mode avec un grand M. L'Illustration signalait des phénomènes qui étaient devenus plus ou moins des réalités. La lecture de nos journaux de mode dans cent ans ne sera qu'un inventaire extrêmement varié de propositions de Mode qui, à plus de 90 %, n'auront jamais existé dans la vie courante et réelle, mais qui, de façon différente, refléteront aussi notre temps.
Certaines modes resteront toujours attachées au nom de leur créateur, qui n'en est pas forcément l'inventeur, mais qui a mieux su cristalliser et interpréter en termes de vêtements l'esprit particulier d'un certain moment.
La mode ne se limite pas aux vêtements. L'environnement la subit aussi mais en général sans le label péjoratif et presque diffamant que la notion « mode » peut donner aux choses.
Du temps des impressionnistes, les pompiers étaient à la mode. Souvent l'officiel et le marginal se chevauchent. L'ancienne avant-garde, devenue l'officielle, est aussitôt attaquée par un autre courant, aussi bien en matière d'art qu'en matière de mode, qui est un art appliqué.
Rien n'est jamais acquis au royaume de la mode. Les créateurs d'aujourd'hui se survivent seulement mieux qu'au temps de Poiret. La créativité est tellement diversifiée de nos jours que l'on parle sans arrêt de sa mort. Même quand on dit qu'il n'y a plus de mode, c'est encore la mode de « pas de mode ».
La distance et le recul sont indispensables pour juger la mode d'une époque. Sur le coup, nous sommes comme aveuglés, incapables d'y voir clair. Nous croyons immortelles des choses qui ne compteront pas : telle est la confusion générale de la mode jugée à chaud.
Le monde de la mode actuelle s'appauvrit presque par une surinformation. L'avenir et les événements remettront les choses à leur place et simplifieront tout. Il n'y a guère plus de deux ou trois phénomènes de mode importants par décennie et encore, en comptant largement.
Rien n'est jamais acquis au royaume de la mode. Les créateurs d'aujourd'hui se survivent seulement mieux qu'au temps de Poiret. La créativité est tellement diversifiée de nos jours que l'on parle sans arrêt de sa mort. Même quand on dit qu'il n'y a plus de mode, c'est encore la mode de « pas de mode ».
La distance et le recul sont indispensables pour juger la mode d'une époque. Sur le coup, nous sommes comme aveuglés, incapables d'y voir clair. Nous croyons immortelles des choses qui ne compteront pas : telle est la confusion générale de la mode jugée à chaud.
Le monde de la mode actuelle s'appauvrit presque par une surinformation. L'avenir et les événements remettront les choses à leur place et simplifieront tout. Il n'y a guère plus de deux ou trois phénomènes de mode importants par décennie et encore, en comptant largement.
On ne parlera jamais assez du pouvoir d'évocation des modes du passé.
Rien ne représente mieux les années 20 que le chapeau cloche et la robe chemise. Et, sans la crinoline, le Second Empire n'existerait plus pour nous.
Une rétrospective comme celle de ce livre nous permet une lecture simple et claire du passé. Les textes sont importants aussi car il y a également une mode pour parler de la mode, et ce langage évolue autant que les modes. On ne décrivait pas une robe de la même façon en 1850 qu'en 1910.
Aujourd'hui le français se prête difficilement au langage international de la mode. Dans le passé, il n'y avait que cette langue pour parler des choses de la mode comme on parlait des choses de l'amour.
La mode doit passer du pluriel au singulier pour devenir une notation claire et reconnaissable, et pour donner son sceau définitif à une époque précise dans un domaine où le définitif est ce qu'il y a de plus précaire.
Ce dossier de L'Illustration démontre de façon passionnante ce que les gens, la vie et les époques avaient accepté pour les symboliser dans l'inépuisable stock des propositions non-stop de ce tonneau des Danaïdes que fut la mode pendant un siècle. "
Karl Lagerfeld
Rien ne représente mieux les années 20 que le chapeau cloche et la robe chemise. Et, sans la crinoline, le Second Empire n'existerait plus pour nous.
Une rétrospective comme celle de ce livre nous permet une lecture simple et claire du passé. Les textes sont importants aussi car il y a également une mode pour parler de la mode, et ce langage évolue autant que les modes. On ne décrivait pas une robe de la même façon en 1850 qu'en 1910.
Aujourd'hui le français se prête difficilement au langage international de la mode. Dans le passé, il n'y avait que cette langue pour parler des choses de la mode comme on parlait des choses de l'amour.
La mode doit passer du pluriel au singulier pour devenir une notation claire et reconnaissable, et pour donner son sceau définitif à une époque précise dans un domaine où le définitif est ce qu'il y a de plus précaire.
Ce dossier de L'Illustration démontre de façon passionnante ce que les gens, la vie et les époques avaient accepté pour les symboliser dans l'inépuisable stock des propositions non-stop de ce tonneau des Danaïdes que fut la mode pendant un siècle. "
Karl Lagerfeld